
J’ai toujours aimé m’asseoir et regarder les gens passer. Un spectacle perpétuel où des centaines d’existences se croisent sans se rencontrer, une somme de destins et d’histoires qui se côtoient, chacun dans son périmètre vital de sécurité. Certains se reverront peut être sans savoir qu’ils se sont frôlés des dizaines de fois, des inconnus se souriront à force de se retrouver collés l’un à l’autre chaque matin dans la même rame, d’autres se rateront pour toujours. Je me demande toujours quelle est la vérité derrière les apparences, qu’est ce qui se cache au fond, dans les recoins les plus secrets de chacun. Dexter appelle ça le dark passenger, d’autres appellent ça le jardin secret ou encore la boîte. Car tu ne sais jamais à qui tu parles au final, quelles sont ses pensées profondes et quelle incidence aura la moindre interaction.
Il y a ce couple qui semble heureux, elle lui tient le bras et cale ses pas sur les siens, mais peut être qu’il l’a frappée la semaine dernière et qu’il la trompera demain, comme ces 6 derniers mois, et elle restera parce qu’elle pense encore qu’il peut changer. Il y a cette fille qui marche et sourit en tapant un message sur son Blackberry. J’imagine à qui elle écrit, si c’est son petit ami, son ex ou son prochain, si elle lui dit qu’elle l’aime ou qu’elle a juste envie de lui tout de suite, ou si c’est une copine à qui elle raconte qu’il lui a envoyé un message hier soir, d’après toi ça veut dire quoi? Elle répond peut être à un BBM de sa mère pour lui dire qu’elle rentrera tard, ou qu’elle a enfin eu son augmentation. Et cette équipe de gars qui descend d’un gros bolide au loin, pour certains ils sont de potentiels agresseurs, pour d’autres ils sont des frères ou des pères. Sous les capuches se cachent parfois des chefs d’entreprise, des professeurs, des braqueurs, des artistes ou des employés modèles. Comment le deviner? J’aimerais être comme Bruce Willis dans « Incassable », connaître l’histoire d’une personne en la touchant, savoir ce qui la fait pleurer le soir, ce qui lui donne envie de se lever le matin, ce qui se dissimule derrière ses silences et quels sont les moments qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui.
Dans ce bloc compact, il y en a qui vont mourir dans les prochains jours, d’autres qui vont sauver des vies, il y en a même qui auront probablement une incidence indirecte sur ma vie à un moment ou à un autre, le fameux effet papillon. Mais pour l’heure, ils ne sont que des figurants qui traversent mon théâtre, une toile de fond à laquelle on ne s’intéresse que lorsqu’elle se déchire et entraîne la collision. Et si chacun n’est qu’un figurant pour l’autre, il n’en reste pas moins que nous sommes tous le premier rôle de quelqu’un. Pour une seconde, un an, une vie, parfois sans le savoir, sans le vouloir ou l’espérer. Et immobile au milieu de ce mouvement ininterrompu, il y a ce gars, seul, assis en face de moi, qui observe les gens et me dévisage du coin de l’oeil. J’imagine que lui aussi réfléchit, et se demande ce qui se cache derrière mon écharpe.
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