Je n’ai pas grandi collé à un ordinateur. Depuis mes premières heures passées à tuer du mutant difforme dans Gryzor ou à viser l’entrejambe dans Robocop sur Amstrad CPC 6128 (pouce en l’air pour ceux qui s’acharnaient sur Bows & Arrows et qui idolâtraient les équipes d’Ocean), il aura fallu de nombreuses années pour que mes doigts reprennent du plaisir à marteler un clavier. A l’époque je faisais un rejet total des PC, que j’ai longtemps associé dans ma tête à des jeux super bizarres qu’il fallait installer pendant des heures et qui se jouaient avec les touches espace et majuscule. Aucun rapport avec les cartouches, sur lesquelles il suffisait de souffler quand ça plantait inexplicablement au milieu du dernier niveau. Il y avait bien l’ordinateur en face duquel j’étais assis chaque mercredi matin quand j’accompagnais ma mère au travail, mais je préférais dessiner sur les larges feuilles du sous main.
Puis le futur est arrivé dans nos vies, on a découvert les ordinateurs portables à 20 000 francs remboursés en 3 ans, disque dur interne de 4go, aussi épais que la Bible. L’ère des émulateurs Neo-Geo, des premiers devoirs universitaires tapés puis reliés, des morceaux en ATRAC, des cartes mémoires de 256ko, des photos 1 million de pixels imprimées depuis chez soi. Pendant des années j’ai navigué sur Internet avec la connexion la plus pourrie de l’univers: obligé d’effacer l’historique et les fichiers temporaires toutes les 10min pour éviter que ça plante, et si tu avais le malheur de cliquer par erreur sur un spam en essayant de fermer ta fenêtre figée, l’écran explosait. Reboot total, une demie heure de vie de perdue. Autant dire que l’idée de passer ma vie sur le web et d’alimenter un blog était aussi présente dans mon esprit que dans celui d’un mineur clandestin à la recherche de diamants au fond d’une mine sierra-léonaise.
D’autant plus que je n’ai jamais vraiment aimé l’écriture au final. Il y a bien eu une période au lycée où comme tout le monde j’ai cru pouvoir écrire des 16 mesures dégoulinants de rimes faciles et de tournures immondes, avec un sens du rythme qu’Abd Al Malik ne renierait pas, mais ça n’a pas duré. Heureusement pour mon estime personnelle. Les trous dans l’emploi du temps se remplissaient de dessins, de danse et de flirt, les mains posées sur un carrelage ou une peau lisse plutôt qu’une feuille blanche. Avec le recul, je me rends compte que je complexais dans le fond, mes proches étant plus âgés mais surtout beaucoup plus habiles que moi avec les mots. Aujourd’hui encore, j’ai beau être le plus prolifique, j’estime être encore loin de leur niveau, qu’importe ce qu’ils prétendent lorsqu’ils me lisent. La nature a horreur du vide et chacun trouve son rôle au sein d’une équipe, alors j’ai laissé la place à ceux qui la méritaient.
Puis la nuit est arrivée dans ma vie, j’ai découvert les insomnies et les réflexions insensées qui embrument ton esprit jusqu’à ce que le soleil déchire péniblement les stores de ta chambre universitaire. Quand il a fallu choisir entre « Chasse & Pêche » sur TF1 et le fameux ordinateur qui n’avait de portable que le nom, je me suis assis et j’ai ouvert Word, mais pas pour un TD cette fois ci. Quelques minutes, puis une heure, puis deux, chaque nuit un peu plus, jusqu’à ce que mes yeux brûlent et que mon lit redevienne accueillant. La plupart du temps au réveil, je n’assumais pas ce que mon écran affichait, les mots étant comme cette jolie rencontre nocturne qui perd toute sa magie à la lumière du jour. J’ai rapidement pris l’habitude de faire lire certains passages à mes frères d’une autre mère, débouchant invariablement sur des discussions sans fin et parfois même sur des encouragements déguisés. Des vendredis soirs avant l’heure, en somme. Avec le temps le cercle s’est agrandi, la forme est devenue plus fluide mais l’envie n’a pas faibli. La seule vraie différence aujourd’hui, c’est que je n’ai plus besoin de redémarrer mon ordinateur à chaque fois que je finis d’écrire.
Ca fait du bien. De constater qu’on n’est pas le seul. Sur ce coup là pas besoin de faire dans l’original. Ca fait du bien de lire ses propres réflexions avec les mots d’un autre. Bon article. J’adhère. ( Même le coup des 16 mesures, écrit sur les tables de classe au lycée pour moi, c’est du vécu)
Moi j’ai préféré Chasse et pêche .. j’regrette un peu
Juste, CONTINU .
PS: s’il te plait