Tu ne peux pas réellement apprécier une salle de bain tant que tu n’as pas vécu en Cité U. Ou en prison. Pour ceux qui ont la chance d’avoir eu un endroit décent où vivre pendant leurs études, il faut que vous sachiez qu’il existe des endroits où la douche et les toilettes sont regroupés dans une pièce au fond de ce couloir qui sert d’étage. Crasseuse et ultra humide en général, d’où le réflexe de se doucher avec des claquettes et d’utiliser une lunette personnelle, pour éviter les champignons. Dans la plupart des cas, il y a également une cuisine commune juste en face. Ce qui signifie que le temps que tu fasses cuire tes pâtes, tu as potentiellement vu toutes tes voisines avec une serviette autour des seins et une autre autour des cheveux, et ton voisin a flingué toutes les senteurs de tes épices en brisant la cuvette avec une crotte titanesque. Quand tu as la chance de ne pas avoir les bruits en même temps. Les joies de la cohabitation forcée quoi.
Sûrement pour ne pas perdre nos bonnes habitudes et surtout pour prendre l’habitude de voir des meufs bonnes, on restait souvent dans le hall du bâtiment, entre battles improvisés et débat sans fin sur la manière dont il faut séquestrer les responsables du CROUS pour avoir la chance de s’enfermer dans une chambre miteuse. Au bout d’un moment on connaissait tous les visages et il n’était pas rare qu’un première année égaré nous prennent pour les veilleurs de nuit, mais je sais pas s’il faut en retirer une quelconque fierté avec le recul. Toujours est il que le radiateur froid, le carrelage poussiéreux et les portes repeintes aux carreaux cassés étaient devenus une extension naturelle des 9m2 sensés nous servir de lieu de vie. Où tu étais sûr de nous trouver, peu importe l’heure.
Il y avait cette fille, qu’on appelait Chabbat pour des raisons que je préfère garder secrètes, avec qui je m’entendais bien. Elle s’était enfuie de chez elle après une sombre histoire, et elle était arrivée à la Cité avec quatre grosses valises, deux sous les bras et deux sous les yeux. Jolie (même si plus tard je lui ai trouvé une ressemblance troublante avec J.Holiday) avec un corps surréaliste, mais elle était extrêmement perturbée et fragile, comme tu peux t’en douter. Et vu qu’à l’époque je me prenais pour une assistante sociale, on s’est tout de suite plu. Pour des raisons très malsaines certes, mais c’était l’époque où j’avais pas grand chose de mieux à faire, alors essuyer ses larmes quand elle regardait un peu trop son gros nounours, ça ne me gênait pas. Je pense que c’est à cause de ça que j’ai voulu lui faire cette blague stupide d’ailleurs, pour essayer de la faire rire un bon coup parce que femme qui rit, ben, femme joyeuse.
J’étais dans le hall en train de remettre mon protège coude entre deux tentatives de vrille, quand Chabbat a poussé la double porte, en essayant de me faire croire qu’elle ne m’avait pas vu. Alors qu’elle venait juste de s’arrêter devant une vitre pour se recoiffer et se remettre un coup de gloss. Elle revenait des courses, j’avais la bouche pâteuse, alors elle m’a proposé de monter boire un verre de multivitaminé. Je connais peu d’hommes qui auraient refusé. Dans un élan de galanterie ultime, je l’ai laissée porter ses sacs et j’ai couru dans les escaliers, en bondissant contre les murs comme un chat paraplégique. J’imagine que le reste d’adrénaline et le fait que j’étais habillé tout en noir et que j’avais encore mon bonnet jusqu’aux yeux ont provoqué cette réaction débile, du genre je suis un ninja ou une connerie comme ça. Je l’ai entendu rire derrière moi (ok c’est un signe, tu lui plais vraiment si elle rigole pour si peu), et arrivé à son étage, le 3ème, je me suis dit que j’allais lui faire partager l’une des passions qui ont bercé mon enfance, en l’occurrence cache cache. Aparté: oui, je me suis fais pipi dessus une fois lors d’une partie de cache cache parce que j’étais planqué dans un placard pendant une heure, mais j’étais tellement mauvais perdant que je préférais mourir sans qu’on me trouve plutôt que de sortir aller aux toilettes. Oui je sais c’est nul.
Je suis donc sur le palier, quelques marches me séparent de Chabbat alors je me jette dans les toilettes en essayant de faire le moins de bruit possible. J’ouvre la porte d’un WC, je rentre et je referme légèrement la porte sur moi, de manière à ce qu’on pense que la place est libre en regardant rapidement (c’est mon côté Dexter), me permettant de jaillir tel un diable hors de sa boîte et de faire la plus vieille blague du monde, la blague dite du « Bouh ». J’entends les pas de Chabbat se rapprocher, elle fait semblant de se plaindre et de me chercher, puis feint de s’éloigner parce qu’elle ne me trouve pas. Lorsque 3 secondes plus tard, je sens une main pousser doucement la porte pour regarder dans le WC où j’ai élu domicile pour mon canular, je jaillis en hurlant comme si on m’avait planté un couteau dans le ventre, « WAAAAAAAAAAAAAH », les mains en l’air et le visage menaçant à moitié caché par mon bonnet. Sauf que ce n’était pas Chabbat, mais une minuscule étudiante ERASMUS. Une coréenne qui n’a absolument rien compris à ce qu’il se passait et qui s’est jetée contre un mur à cause de la violence de son sursaut. Je crois que je me rappellerais toute ma vie de son visage horrifié, de son pyjama rose sur lequel j’ai deviné quelques tâches de pipi et du rouleau de papier toilette qu’elle a laissé tomber. Elle a disparu dans le couloir en pleurant en un quart de seconde, je n’ai pas réussi à la retenir pour m’excuser et Chabbat ne l’a même pas vue passer sous son nez, trop occupée qu’elle était à se foutre de moi. Dans la semaine qui a suivi, tous les coréens de la Cité ont mis ma tête à prix, et je ne peux pas m’empêcher de penser que malgré les années qui ont passé, je suis un peu responsable des bombardements qui ont déchiré la Corée aujourd’hui.
Moralité: lorsqu’une fille te propose de monter boire un verre chez elle, ne passe pas devant pour faire une bêtise que tu penses drôle, reste plutôt derrière elle dans les escaliers. En plus, ça te permet de regarder ses fesses en toute tranquilité.
j’ai la chance de ne pas être en cité u mais j’ai des amis qui y sont, c’est plutôt rapprochant (sauf pour ceux qui sont dans les neufs, ils sont trooop bien!)
[…] This post was mentioned on Twitter by Kam, The Yellow Kid. The Yellow Kid said: Nouveau "Grand Moment de Solitude", où ça parle de Cité U, de jus multivitaminé et de Chabbat http://bit.ly/g6JeGg […]
J’imagine que tu n’a pas dû réessayer de faire peur à quelqu’un depuis…
Sinon, le truc du pipi dans le placard, ça me rappelle un truc.
Je dois avoir 5 ou 6 ans et comme tout les samedis, j’ai le droit de jouer devant la maison. C’est le début de l’après-midi et je porte un bermuda rose. Ce jour-là, j’ai décidé de faire des colliers à la con pour mes amis imaginaires. Sauf que y a un truc qui me perturbe, je suis assise dans l’herbe et je sens qu’il y a un truc bizarre. Mon cul est froid, plus froid que si j’avais voulu me lancer dans le délire juste après la rosée, plus froid que si je m’étais pissée dessus. Je vérifie d’ailleurs en ouvrant les cuisses. Rien. Sauf que voilà, au bout d’un moment ça commence à chlinguer et c’est pas la connasse qui joue avec ses barbies à côté. Va bien falloir se lever, va bien falloir vérifier. Mais j’ai tellement peur de me faire chambrer et de devoir casser des dents avec une batte de baseball après que je préfère attendre la tombée de la nuit pour me lever.
Je suis restée assise comme ça des heures. Ma mère s’est bousillée les cordes vocales à force de m’appeler mais je n’ai pas bougé. Les mioches du quartier ont fini par rentrer et je me suis dis que mon calvaire touchait à sa fin. Une fois debout, je me suis ruée dans les escaliers pour voir le truc. Horreur ! J’avais le cul plein de merde…
Saleté de Youki, connard de chien du voisin… Et dire que c’est moi qui l’avait sorti faire sa vie dans ce coin de pelouse le matin même contre un malabar.
C’est la cite U de Nanterre sorry « Paris X » ?
Putain t’en a vécu des histoires chelou toi! ^^
« Et vu qu’à l’époque je me prenais pour une assistante sociale… » toujours cet humour incroyable, lol
[…] de solitude, featuring le break) ou une blague dans les WC qui tourne mal pour une jeune innocente (Les grands moment de solitude, featuring la Cité U), ces histoires sont toutes 100% authentiques. Malheureusement pour […]