Il y a des films comme ça, qui te donnent l’impression que tu es un rebut de l’humanité, la dernière des merdes qui ne sert à rien et que tu n’as aucun talent, pas même celui d’arriver à retranscrire correctement la puissance de l’oeuvre que tu viens de te prendre en pleine tête. Et si en plus tu en enchaînes deux à la suite comme Julien Lepers, prépare toi à déprimer sérieusement. Du genre remise en question existentielle qui peut déboucher sur des changements de vie radicaux, style je me retire dans une montagne pendant 1 an loin de toute civilisation, pour pouvoir revenir et être le meilleur dans ma discipline. Soit dans la danse à cause de « Turn It Loose« , soit dans l’Art à cause de « Exit Through The Gift Shop« .
Même s’ils ont l’air diamétralement opposés à première vue, ces deux films / documentaires sont relativement identiques au final. « Turn It Loose » propose de suivre les B.Boys qui participent à la finale du BC One 2007 en Afrique du Sud, le battle 1vs1 organisé par Red Bull dont le vainqueur est considéré comme le meilleur danseur au monde. Les images sont tout simplement sublimes, tant sur la forme (les cadrages et les effets visuels sont dingues et le décor réalisé par JR est monstrueux), que sur le fond (celui qui n’a pas eu de boule à la gorge quand le sénégalais BenJ parle avec le sage du village n’a pas de coeur). Les rebondissements sont dignes d’un film, et les personnages ont de réelles aspérités qui les rendent attachants ou détestables, au choix. Chaque passage prend une toute autre ampleur et devient plus que de la danse lorsqu’on prend conscience de la remise en question d’Hong 10, des vomissements de Lilou avant d’entrer dans le cercle, de la pression populaire et familiale qui écrase BenJ ou encore de la motivation profonde de Ronnie. De l’héroïsme moderne à l’état brut, qui donne envie de ressortir son carton et son bonnet (double épaisseur + carré de cabas du marché cousu sur le dessus), et de se briser les articulations en rythme.
« Exit Through The Gift Shop » lui, est majoritairement composé d’images dégueulasses, filmées avec un vieux camescope par Tony Guetta, caméraman amateur qui n’a aucun lien avec David mais qui est accessoirement le cousin du street artist Space Invader. Des virées nocturnes artistiques avec Invader, André et Shepard Fairey (Obey) à sa première rencontre avec Banksy, Tony a filmé des instants mythiques du street art international, pour un soit disant documentaire qui n’est jamais sorti. Jusqu’à ce que Banksy mette la main sur les cassettes originales et décide d’en faire « Exit Through The Giftshop », un film surréaliste qui multiplie les allers-retours entre le joyeux bordel artisanal et les moments historiques de l’Art de rue moderne, vus à travers une lentille crade.
Difficile de donner envie sans spoiler les meilleurs passages, mais autant vous prévenir tout de suite: « Exit Through The Gift Shop » n’est pas un docu sur Banksy. Aucune véritable info n’est révélée, et je ne serais pas étonné d’apprendre que tout ceci n’est qu’un gros fake. Parce que l’artiste anglais dont tout le monde ignore l’identité n’est qu’un prétexte, tout comme les breakers de « Turn It Loose » ne sont qu’un point de départ. Car ce dont il est véritablement question dans ces deux films, c’est bien de travail acharné, de génie pur et de destin, de dépassement et d’abandon de soi-même dans une passion. Et de ce fameux moment où tout se met en place, où chaque évènement s’emboîte naturellement, où l’univers tout entier converge vers un but unique que rien ne saurait empêcher. On m’a dit un jour que si la légende était plus belle que l’histoire, il fallait écrire la légende. Et quand l’histoire surpasse la légende, filmez la.
Là, tout de suite, j’aurai plus envie de voir Exit Through The Gift Shop, mais comme j’ai un exam cette semaine, je vais attendre la semaine prochaine, j’aurai pas envie de me sentir comme « la dernière des merdes qui ne sert à rien et qui n’a aucun talent, pas même celui d’arriver à retranscrire correctement » ce que j’ai révisé pendant ces 3 derniers mois. Merci pour le conseil en tout cas. Très bon billet BTW 😉
L’ESPRIT HIP HOP C’EST CA.
Je précise que « Exit Through The Gift Shop » n’est pas sous-titré (ni anglais ni français), et qu’il faut parfois s’accrocher pour comprendre ce que raconte Banksy, entre son accent anglais pourri et sa voix trafiquée pour qu’on le reconnaisse pas.
Mais ça défonce quand même.
Pour info le film de BANKSY sortira en France au cinéma le 15 décembre prochain en vostf. Le titre français sera « Faites Le Mur ».
Et je confirme: ce film est une tuerie !