L’édito de la fin de la semaine

C’est parti d’une simple vanne vue sur Twitter, à propos du morceau « Hiro » de Soprano. En gros, il y explique que s’il avait eu les pouvoirs d’Hiro Nakamura (le japonais qui se téléporte et voyage dans le temps dans « Heroes »), il aurait changé le monde et assisté aux grands évènements historiques. Vous voyez le genre quoi. Même si c’est facile de taper sur Sopra et son morceau plus que contestable, c’est le genre de thème stupide qui a tendance à me bouffer le cerveau insidieusement avant de dormir. Sauf que bizarrement, je me suis rendu compte que j’avais une vision plus égoïste de la situation, et que si j’avais eu les capacités d’Hiro, je m’en serais foutu de sauver le monde et la cheerleader. Peut être parce que je pense que tout arrive pour une raison, que chaque évènement a un but, quel qu’il soit, et qu’il s’inscrit dans un ensemble qui nous dépasse. Il me semble qu’on appelle ça le destin, en général.

Puis je me suis penché sur ma vie, un peu comme ce conte débile où des fantômes du passé viennent te visiter le soir de Noël pour te ramener à des moments clés où t’as été un gros connard au lieu d’être un être seulement fait de lumière et de bonté. Il y en a eu tellement que je n’ai même pas eu la force de commencer à établir une hiérarchie des erreurs à réparer d’un plissement d’oeil. Je me suis donc réfugié derrière une excuse imparable, prétextant que j’ai tiré une leçon de chaque faute et qu’elles me permettent d’essayer de m’améliorer chaque jour. Tellement bateau, mais tellement efficace.

Comme il fallait bien trouver quelque chose à changer pour ne pas me dire que j’étais un connard prétentieux qui estimait que sa vie était parfaite, j’ai commencé à fouiller dans les détails. Je me suis dit que si j’avais la possibilité de remonter le temps, j’achèterais moins de conneries parce qu’aujourd’hui je n’ai plus de place dans mon appart qui regorge de trucs complètement inutiles. D’autant plus qu’avec l’argent que j’aurais pu économiser, je serais déjà allé au bout du monde 5 fois. Et pendant que j’y pense, j’irais aussi au bout de mes études, parce que c’est trop bête d’arrêter avec un goût d’inachevé dans la bouche, de ne pas finir ce que tu commences. Mais ça, j’étais trop con pour le comprendre.

En parlant de bouche, je pense que je reviendrais aussi au soir où mon pote s’est fait attaquer par derrière par deux blédards bourrés, qui lui ont brisé la mâchoire avec un poing américain et qui ont fui avant qu’on ne percute ce qui venait de se passer. Le sentiment d’impuissance à l’état brut. Et puisqu’il est question d’os brisé, avec le recul je me dis que j’aurais peut être dû insister auprès du chirurgien pour qu’il opère ma main (cassée de façon improbable), plutôt que de la laisser dans cet état pitoyable. Même si une blessure mal cicatrisée te confère un charme certain auprès de la gent féminine qui trouve ça super viril, c’est un peu soulant quand vient le froid et que tu as l’impression d’avoir la poigne d’un mec de 95 ans. Et pour en finir avec la séduction, même si je ne regrette rien comme Cut Killer, j’en profiterais pour reprendre quelques « Je t’aime » au passage, car j’ai compris trop tard qu’ils n’avaient de valeur que lorsqu’ils se faisaient rares.

Tout ça pour me rendre compte au final que je ne changerais rien de fondamental à mon existence, ni à celle des autres. Parce que chaque action, bonne ou mauvaise, m’a construit. Et Doc Emmett Brown l’a répété tellement de fois à Marty que j’ai fini par l’assimiler: change le passé, et tu modifieras irrémédiablement le futur. Alors je préfère savoir ce que je perdrais plutôt que d’imaginer ce que je trouverais, et je me souviens au lieu d’effacer. Par peur de ne pas être celui que je suis devenu, de vomir ce reflet dans la glace et de ne pas vivre ce que je vis aujourd’hui, et par peur aussi de ne pas pouvoir écrire ces lignes.