Depuis que je suis en âge de comprendre ce que ça implique, ma mère a une blague qu’elle me sort régulièrement: elle me répète que je ne suis pas son fils et qu’elle m’a adopté parce que je lui faisais de la peine, ce fameux soir où elle m’a trouvé en train de pleurer dans un couffin sur le pas de sa porte. En plus elle en profite pour m’affubler d’un surnom que mon amour propre m’interdit de dévoiler ici, et insiste pour qu’on fasse des tests ADN puisque je ne la crois pas. Certes, ma mère a peut être des goûts étranges en matière d’humour, mais en même temps, c’est pas le plus important. Parce que de toute façon, les parents, c’est pas fait pour être drôle.
En général, le rôle de l’adulte cool qui te fait rire aux éclats est réservé à ton oncle, qui a de préférence des enfants en bas âge, ou pas d’enfants du tout ni même de meuf. Pas à tes parents. Parce que ce ne sont pas tes potes, contrairement à ce que les films ou autres reportages aberrants tentent de nous faire croire à longueur de journée. Oui, tu peux sourire tendrement à un trait d’esprit ou à une bonne vanne, ou même rigoler à leurs dépends, mais rire aux éclats et faire pipi à la culotte comme dirait ma petite cousine, c’est une limite à ne pas franchir, même lorsque tu es un comique qui cherche une intro pour son prochain sketch. Et puis c’est simple, tu n’as qu’à te remémorer les fois où tes parents ont fait les clowns en public, et te laisser à nouveau envahir par cette sensation de gêne intense, où tu hésites entre les tuer puis te suicider, ou te suicider et revenir les hanter à vie pour leur faire payer ce moment de solitude infinie.
Il faut que les parents comprennent que les ados qui jouent les cools avec eux n’ont qu’un seul et unique but: faire du shopping, aller au cinéma et manger une glace aux frais des vieux ringards samedi prochain, sans se faire prendre la tête à cause du hors forfait astronomique et du 6 en maths. Et que dans cette liste, nulle part il n’y a écrit « venir me chercher devant l’école », « regarder une série ensemble sur l’ordinateur » ou « nous raconter nos histoires de cul respectives ». J’imagine que c’est compliqué à assimiler pour des parents qui ne veulent pas vieillir ou qui sont divorcés (je ne juge pas hein), mais pour le bien de votre enfant, s’il vous plaît, arrêtez de croire que vous êtes amis.
Mettez des décolletés, achetez vous un cabriolet rouge, faites vous des piercings au sourcil, écoutez de la dance et traînez dans des bars le vendredi si vous voulez, mais ne vous évertuez pas à bousiller votre progéniture plus qu’elle ne l’est déjà. Je sais, vous ne voulez pas être le vieux con strict qui prend la tête sur les devoirs, vous êtes au courant qu’on tue souvent le messager qui annonce une mauvaise nouvelle et vous ne voulez pas qu’il se réfugie dans les bras de votre ex-conjoint plutôt que dans les vôtres, vous préférez passer des moments privilégiés avec lui blablabla. Sauf que ce n’est pas lui rendre service. Et dites vous bien que la vie, c’est comme les sorties en discothèque que vous appréciez tant: il faut toujours un capitaine de soirée qui surveille les autres et ne s’amuse pas pour pouvoir ramener tout le monde sain et sauf quand la fête est finie.
Et puisque j’ai osé vous sortir cette métaphore digne d’une campagne de la sécurité routière, je dois vous avouer un truc: je pensais terminer sur cette phrase relativement ridicule, mais c’était avant ce mail de mon père reçu pendant que j’écrivais. Quand je vois les jeux de mots catastrophiques que son cerveau est capable de générer, je me dis que tout s’explique, c’est la preuve irréfutable que ma mère me ment quand elle me dit que j’ai été adopté.
You damn right.
Love it.
Ben tu m as flingue le moral, mon fils pensera comme ca a 20 ans ? Même pas reconnaissant satane gosse !