J’ai toujours aimé la magie. Parce que c’est le seul moment où tu as le droit d’être naïf, de ne pas te poser de questions et d’être émerveillé par un mensonge. Et depuis qu’on sait d’où viennent réellement les cadeaux sous le sapin, ces moments d’innocence sont plus que rares. Certes, on se dit toujours qu’il y a un truc, que le magicien fait tout pour détourner notre attention pour qu’on évite de regarder sa main inoccupée ou son complice camouflé par un mécanisme ingénieux, mais on s’en fout. Parce que dans le fond, ce n’est pas le tour en lui-même qui est important.
Connaître le secret, c’est admirer une technique longuement répétée, une imagination fertile et une mise en scène maîtrisée, c’est revenir à la réalité et perdre l’authenticité de la première réaction, c’est ôter tout ce que notre esprit est trop étroit pour contenir. C’est grandir, être conscient qu’un foulard ou un souci ne disparaît pas au fond d’une poche en un claquement de doigt, c’est comprendre qu’il y autre chose, plus raisonnable, moins mystérieux, plus froid. C’est envisager les détails dans un ensemble, salir l’instant présent et le plaisir immédiat, innocent. C’est refuser de s’évader de son quotidien, redouter de perdre ses repères, placer des mots lorsqu’il n’y en a pas besoin, chercher à tout prix une explication, pour tout. C’est renier le but premier de la magie, quelle qu’elle soit, qui est de nous faire oublier un instant qu’on mourra tous plus ou moins tôt, que la fin du mois approche, qu’on ne sait plus vraiment ce que nos amis deviennent, qu’on a tous commis des erreurs à un moment donné. C’est enfouir l’idée que peu importe ce que tu as fait lorsque je ne te connaissais pas, c’est ce que tu fais aujourd’hui et avec moi qui compte.
Il y a ceux qui choisissent de vivre dans l’illusion, qui lâchent prise et décident de rester coincés dans un rêve plus acceptable où le souvenir d’un steak est toujours présent et où les toupies ne tombent jamais, et puis il y a ceux qui osent regarder derrière le rideau, là où tout est moins confortable, là où les métaphores meurent. Ils disent que la vérité fera de nous des hommes libres, mais ils ont oublié de préciser qu’elle fera aussi de nous des hommes tristes. Alors s’il vous plaît, laissez-moi m’enivrer encore un peu de cette magie futile.
La toupie tourne, tourne, tourne.
*condamnés à être tristes?
Et il y a ceux qui osent devenir… magiciens eux même ! magiciens de leur propre vie parce que passer de l’autre côté du rideau peut-être amusant et rendre la vie plus supportable.
Le magicien qui attire ton attention sur sa main droite alors qu’il prépare son tour avec la main gauche pratique ce que l’on appelle une « parenthèse d’oubli ». J’adore ce terme. Et j’aime bien plus tes éditos.
bravo !