5 raisons de ne pas aimer l’album « SOS » de Diam’s

Il y a des albums dont on sait d’avance qu’ils vont créer le débat. Ou plutôt, qu’ils vont susciter l’enthousiasme aveugle des fans, et le cynisme assassin des détracteurs. Et avec un plan promo basé sur sa vie personnelle, Diam’s a choisi le choc frontal, en espérant que le voile qui le recouvre atténue la violence de l’impact. J’ai écouté « SOS » sans a priori, mon côté fleur bleu en éveil, presque dans l’attente de la bonne surprise, prêt à reconnaître que la rappeuse avait pris une autre dimension et qu’elle méritait mieux qu’une descente en règle de son album. Sauf que malheureusement, tout ce qui m’est venu à l’esprit, ce sont 5 raisons de ne pas aimer cet album.

5. Diam’s radote comme une petite vieille. Les morceaux qui composent l’album peuvent être classés en cinq thèmes: la religion, sa mère, les politiciens, les ruptures amoureuses, je ne suis plus la même. Libre à vous ensuite de les mettre dans l’ordre que vous souhaitez, et de les décliner à volonté dans chacun des couplets, même lorsqu’il n’y a aucun lien entre eux. Et d’agrémenter le tout avec 53 rimes qui utilisent « mail », « marianne » ou marine ».

Alors écouter « SOS » d’un trait sans être soulé ou en sachant quel titre parle de quoi relève de l’exploit, tant les morceaux se ressemblent tous, comme sur une bonne vieille compil de Zouk Love. Dommage, car une seule chanson efficace suffisait pour exploiter chaque thème (« Poussière » et sa jolie image pas trop mal exploitée par exemple).

Je pensais que l’intérêt de faire un interminable morceau de 10min (« Si c’était le dernier ») était de tout raconter pour se laisser le temps d’exploiter d’autres sujets sur le reste de l’opus. Pas de refaire un autre titre de 9min07 pour expliquer que Tu Es Quelqu’un, et raconter encore une fois la même chose.

4. Diam’s manque cruellement d’originalité. Je ne parlerai pas de la couleur musicale qui reste inchangée par rapport au précédent « Dans ma bulle », du piano-voix larmoyant et des mélodies simplissimes. Je ne parlerai pas non plus du débat houleux sur le magnifique sample de Sia « Soon we’ll be found« , honteusement pompé et saccagé par Street Fab sur le titre « Dans le noir ». Après tout, les reprises ont toujours existé, et chacun est libre de réinterpréter un morceau qu’il apprécie, ou d’écouter uniquement les originaux. Soit.

Par contre, le personnage hybride que tente de se construire Diam’s me gêne. Absorbant la marque de fabrique de ses artistes-référence, Diam’s se transforme en Cell (pour les fans de Dragon Ball) et reprend à son compte l’identité de Médine (défense ouverte de l’Islam et de la foi), Keny Arkana (séjour en hôpital psychiatrique, textes écrits à la lueur de la Lune, revendications alter-mondialiste et tiers-mondiste), Booba (couplets matérialistes aux métaphores extérieures de richesse multiples, intonations similaires) et Kery James (long morceau hargneux sans refrain, voix à la limite de la rupture et interprétation excessive).

Et si vous trouvez que mes références sont tirées par les cheveux, relisez les réponses de Diam’s du temps où elle donnait encore des interviews, ou faites attention à sa liste de MCs favoris dans « L’honneur d’un peuple ». Si vous avez un peu de temps, écoutez donc à la suite « Eh connard » et « La solitaire » (Keny Arkana) et « Le combat continue 3 » (Kery James), puis enchaînez avec « Si c’était le dernier » (Diam’s). Et jetez également une oreille à l’excellent opus « Arabian Panther » de Médine, vous comprendrez d’où vient le côté religieux décomplexé de la Jeune Demoiselle.

A la différence près qu’après avoir écouté les morceaux originaux, on peut ressentir l’envie de faire la révolution, de devenir un imam ou de vendre des kilos de coke. Après avoir écouté Diam’s, on a juste envie de passer à autre chose.

3. Diam’s est un peu schizophrène. Elle l’avoue elle-même. Et même si elle essayait de le cacher, la vérité éclaterait au grand jour malgré tout. Parce qu’elle a cette faculté à rimer une chose et son contraire: elle ne veut pas grandir dans « Peter Pan » mais se grouille d’être un modèle pour les petites soeurs dans « L’honneur d’un peuple ». Elle repousse la gloire et ses paillettes maléfiques mais veut qu’on garde d’elle l’image « d’une fille qui rêvait d’être Reine auprès du Roi ». Elle revendique des idées et une conscience politique mais avoue ne « rien comprendre pour l’instant », toujours dans « Peter Pan ». Et qu’on ne me fasse pas croire qu’elle parle à la place d’un enfant de 6 ans, vu qu’elle évoque aussi ses impôts, ses PV, son pactole.

Elle veut être traitée comme un symbole, un modèle pour les femmes qui s’assument et qui luttent pour leur survie, mais parle encore de Petit Coeur qui se fait larguer par une Bombe (« Coeur de Bombe ») alors qu’elle approche des 30 ans. Diam’s n’a pas grandi en même temps que son public féminin, et conserve son discours destiné aux midinettes qui découvrent avec émoi qu’un garçon ne rêve pas que de jouer à Street Fighter IV le mercredi après midi.

Est ce qu’elle a mal choisi son personnage à marketer pour séduire le public le plus large possible, est ce qu’elle se ment à elle même en essayant de se persuader qu’elle ne vieillit pas, est ce qu’elle n’assume pas qui elle aimerait devenir? Elle seule peut répondre, mais pas à travers un album visiblement.

2. Diam’s vit dans un monde de Bisounours. A l’abri dans son refuge manichéen, la MC écrit ses textes à minuit dans le jardin du Bien et du Mal, éclairée par la Lune. Sans jamais trouver de juste milieu. L’Europe, c’est mal. L’Afrique, c’est bien. Le Gouvernement, c’est mal. La banlieue, c’est bien. L’homme, c’est mal. La femme, c’est bien. Il n’y a pas de place pour la nuance, pour la réflexion, pour le réél.

Toutes les mères sont des héroïnes, tous les enfants sont innocents, tous les métis souffrent, ce sont les hommes qui trompent et quittent, la drogue est partout, la variété française c’est nul. D’ailleurs, lorsque Diam’s demande ce que va faire la variet’ quand elle l’aura plagié, j’ai juste envie de répondre qu’elle peut faire un procès pour violation des droits d’auteur et récupérer une bonne partie de tes royalites et de ta fortune personnelle dont tu parles tant. Mais dans l’univers simpliste de la Boulette, qui se veut peut être être le reflet de sa vie, ce n’est pas possible d’être poursuivi à cause de son Art. Parce que le rap, c’est bien.

1. Diams n’est pas si authentique. Je m’explique. L’effort d’interprétation sur la plupart des titres de l’album aurait pu être intéressant et apporter un vrai plus artistique, mais verse trop rapidement dans l’agressivité mal contrôlée qui sonne faux. Le manque flagrant de sincérité me gêne, d’autant plus que j’aurai voulu la défendre, expliquer que la mise en lumière tardive de sa reconversion est déplacée, saluer la mise à nu d’une artiste qui a plus à perdre qu’à gagner, en bref, avouer à demi-mot que « SOS » de Diam’s n’est pas un mauvais album.

En choisissant d’exposer sa vie au grand jour, d’assumer ses convictions religieuses devant les caméras et de revendiquer cette force nouvelle trouvée dans la spiritualité, Diam’s donne juste l’explication indispensable à la compréhension de ses paroles. Parce que dans le fond, Diam’s souffre simplement du syndrome de la femme européenne blanche reconvertie à l’Islam. Elle veut en faire plus que les autres, elle estime qu’elle a encore plus de choses à prouver que les soeurs nées dans le Din, elle complexe de ne pas obtenir la reconnaissance automatique de sa foi et redouble d’efforts pour se faire accepter de sa comunauté d’accueil.

Quitte à livrer une liste de chansons remplies d’apparences, dans lesquelles Diam’s se noie et se perd à chaque mesure, trop obsédée par le regard des autres. Alors pour le coup, je dois reconnaître que le titre de son album est vraiment bien choisi.