Lundi 16 mars, 20h15, salle de projection du Club de l’Etoile à Paris. Le beat d’ »Hypnotize » déchire les enceintes, et la voix essoufflée de Biggie s’élève. Après des mois d’attente et une semaine après le 12ème anniversaire de sa mort, je vais enfin être fixé sur « Notorious« .
Premier véritable biopic hip hop (« 8 Mile » et « Get Rich or Die Tryin » ne comptent pas parce que moins assumés, et évoquant des MCs encore en vie), « Notorious » a la lourde tâche de retranscrire toute la complexité du mythique Christopher « Notorious BIG » Wallace à l’écran (considéré comme le meilleur rappeur de tous les temps), en se basant grandement sur l’indispensable biographie « Unbelievable » de Cheo Hodari Coker (co-scénariste du film). Pari osé, Biggie Smalls étant de l’avis de tous « larger than life », et donc facilement larger than a movie…
Autant le dire tout de suite, je suis très partagé (j’attends d’ailleurs la chronique d’Underscore pour pouvoir en discuter à tête reposée, et lire une critique bien écrite de ce film). Le bonheur d’entendre « I love the dough » ou « Sky’s the limit », de voir la séance d’enregistrement de « Juicy » ou de regarder Biggie dealer de la coke dans Bed Stuy avec en fond « 10 Crack Commandements » sur un écran géant sont jouissifs, mais ne parviennent cependant pas à ôter le goût d’inachevé qui se dégage du film…
Le problème qui se pose lorsqu’on réalise un biopic sur une personne décédée, c’est que son entourage est encore en vie. Et qu’il produit le film en l’occurrence. Certes, c’est de bonne guerre de vouloir mettre en avant les relations privilégiées que pouvaient entretenir BIG et ses proches, quitte à omettre des détails. Mais c’est là que le film coince : on a l’impression d’assister à une succession de scènes cultes où chacun raconte son moment de gloire et ses punchlines philosophiques tellement de circonstance (la première rencontre entre Puff et Biggie, ou encore la discussion entre Voletta et son fils le jour de sa mort). Je ne dis pas que tout est faux ou magnifié, mais on devine trop facilement comment le film s’est écrit : les proches ont témoigné, raconté des anecdotes, donné leur vision, et le réalisateur, dans un soucis de respect de la réalité et de crédibilité, a collé toutes ces anecdotes bout à bout en y ajoutant des semblants de ressorts scénaristiques (Biggie qui parvient enfin à être en paix avec lui même et à devenir un homme le soir de sa mort… très limite).
Parce qu’à moins de faire un film de 5 heures, il a fallu choisir et tailler dans le gras (pas de jeux de mots faciles svp). Le film va trop vite, survole la jeunesse de Christopher (il passe de « Chrissy Pooh » à « Biggie Smalls » sans trop savoir comment), ne creuse pas assez et fait aller et venir les personnages sans réelle cohérence. Christopher sort avec Jen, qui tombe enceinte, puis il sort avec Lil Kim (qui se découvre un talent de rappeuse alors qu’elle a les seins à l’air et que Biggie est au bord du lit, le caleçon sur les chevilles), puis il sort avec Faith Evans, mais en fait il est toujours avec Lil Kim, puis Faith est en photo avec 2Pac et Biggie revoit Jen, avant d’appeler Kim le soir de sa mort pour qu’ils se réconcilient, et d‘appeler Faith le même soir pour voir son fils. Si vous n’avez rien compris, c’est normal. Par contre, qu’on ne comprenne pas en regardant le film, et qu’on comprenne clairement que Voletta « madame la productrice du film » Wallace préfère largement Faith à Kim, là c’est un problème…
Au final, c’est le danger principal d’un biopic (en dehors d’un casting foiré) : retranscrire une vérité issue de témoignages, et survoler (ou même carrément éluder) des faits ou personnages, en partant du principe que le spectateur connaît l’histoire (et la fin tragique en l’occurrence). Et « Notorious » ne réussit pas éviter l’écueil : trop léger et trop sélectif pour les fans du rappeur de Brooklyn, et trop peu fourni pour ceux ne maîtrisant pas le personnage, le film reste au final dans une zone neutre, sans apporter de nouvel éclairage. Dommage.
D’ailleurs, pour ceux qui espéraient apprendre qui a tiré sur Pac et BIG, ne vous faites pas d’illusion : les principaux concernés et touchés par ces drames ont bien trop à perdre maintenant pour oser accuser ouvertement. On devra donc se contenter d’explications politiquement correctes, chacun s’étant laissé engrainé par la presse, par la prétendue guerre East Coast / West Coast et par des incompréhensions stupides. A vouloir faire de Biggie le gentil sans diaboliser Pac, on se retrouve encore une fois entre les deux, dans une zone aux contours trop flous. J’imagine que ça sera plus facile de faire d’Aaliyah un ange et du pilote de l’avion qui s’est écrasé un vilain monsieur, dans le biopic consacré à la chanteuse…
Avec une réal très honorable mais pas extraordinaire (on se serait passé du ralenti de Biggie qui monte dans son 4×4 avant de se faire tirer dessus, qui donne un effet « film de voyou » où le héros sait qu’il va mourir), des acteurs qui ne parviennent pas à saisir les nuances des originaux (Puffy est plus qu’un clown qui danse tout le temps et Kim plus qu’une pute qui passe sa vie à poil – quoique), des personnages stéréotypés (Puffy est moins que le maître du monde qui a révolutionné la musique, sans volonté aucune de minimiser son influence), des absents remarqués (mais où se cache Ma$e ?) remplacés par des omniprésents surbuzzés (Lil Cease en weed carrier / chauffeur / informateur / backeur / sidekick de tous les instants), « Notorious » n’est pas le film que l’on espérait, et qui aurait enfin pu faire du hip hop un genre musical consacré par le cinéma, au même titre que le blues ou le jazz. Il reste néanmoins un divertissement agréable pour les fans de rap, qui mérite d’être vu (mais est ce vraiment un compliment lorsqu’on parle de Notorious BIG ?…).
Espérons que les prochains projets sur NWA et RUN DMC comblent ce manque (le biopic sur 2-Pac étant paralysé par de sombres questions de droits), ou alors il faudra attendre que Jay-Z se fasse enfin tirer dessus et meure. Parce que « You’re nobody till somebody kills you »…
Marrant, Faith & Mrs Wallace étaient fâchées en 2005, elles ont dû se réconcilier. Sinon, hâte de voir ! Et chelou, Biggie n’a jamais dealer de coke mais plutôt du crack.
Wheres Brooklyn at ?
yacine_
Extra cet article !
je le fais suivre…
8)
Premièrement, je ne sais pas à quelle génération tu appartiens car ce film par de lui même. Cette biopic, n’est pas une enquête et relate les faits passés, il est fidèle à l’histoire et effectivement parle à un public averti et de connaisseurs. Tu critiques, tu critiques, mais par rapport à quoi ? es tu vraiment un fan de rap car si tu fais parti de cette 2ème génération qui a tout à apprendre et qui veux juste du croustillant tu vas être déçu par les prochains films. Biggie a eu une court vie dans le hip hop, tu en voulais plus où tu voulais simplement que l’on salisse sa mémoire. Tu es dans ton droit de ne pas apprécier, mais ta critique est loin de la réalité mon petit.
L’essentiel était là, et pour parler de Kim on apprend qui elle était et pourquoi elle en est arrivée là.
Biggie était jeune, il a à peine atteint l’âge de la maturité dans son succés, tu penses qu on parle d’un mec comme Jay ou Pac ?
Le film se concentre sur son ascension qui a été courte mais marquante, dommage que tu n’es pas su l’apprécier
Peace
Bon j’avoue, je fais partie de cette génération qui a découvert le rap en écoutant Ado (pas Skyrock, c’est trop pointu), qui pense que Nas est un grand père (et qu’il devrait laisser la place à Soulja Boy), et qui s’est retrouvé à la projection de l’avant première de « Notorious BIG » en pensant aller voir la suite de « Super Size Me » 🙂
Mes critiques sont basées sur les témoignages de Slim de 112 et de Lil Cease (on va à la même salle de sport en fait), qui m’ont juré sur leur contrat Bad Boy et sur leurs disques de platine de « Life After Death » que c’était pas l’exacte vérité…
Après ils m’ont parlé d’un livre que j’ai vaguement lu, « Unbelievable » ou jsais plus quoi, mais j’ai vite arrêté parce que je pensais que ça parlait d’extra terrestres et d’y croire ou non, donc j’étais déçu.
Et merci, tu es mon premier commentaire négatif! Le début de la reconnaissance 🙂
Peace
2pac et Biggie sont morts au même âge.
De mon côté, j’ai déjà un avis tranché sur le film avant de l’avoir vu, pour savoir s’il est assez pointu ou pas :
Si dans NOTORIOUS, y’a la scène où Puffy efface la piste de back de Cappadonna dans KISS YOUR ASS GOODBYE pour la remplacer par la sienne, ce film est un chef d’oeuvre.
Sinon, c’est une merde.
Fallait pas raconter la fin… dire qu’ il meurt, c ‘est naze.
plus de suspens, ça laisse plus beaucoup de raison d’ aller voir.
pour info yacine
le crack c’est de la coke
Pour info, Calotte dans ta face : le deal de coke et le deal de crack à Brooklyn sont deux choses différentes survenues à deux époques totalement distinces.
Mais merci quand même.
Les 3 annonces Google qui apparaissent dans la fenêtre Youtube quand je mate le trailer sur ta page : « Kikz Hiphop », « rencontres amoureuses » et « perdre 5 kilos cette semaine »… C’est la venue du printemps ou une opération ciblée plus que douteuse ?
Sinon marrant de confronter le point de vue avec celui d’_
🙂
[…] remarqué que les avant-premières avaient souvent lieu le lundi (rappelez vous celle de Notorious), et jusqu’à présent je ne trouve pas d’explication logique (pour décuver […]
BIM !
http://www.commeaucinema.com/tournage/le-tournage-du-biopic-sur-tupac-shakur-devrait-debuter-des-la-fin-du-printemps,198776